Marie-José Malis © Willy Vainqueur
© Willy Vainqueur
Directrice de La Commune CDN d'Aubervilliers

Marie-José Malis

2014-2023

Marie-José Malis est ancienne élève de l’École Normale Supérieure-Ulm et agrégée de lettres modernes. Elle a dirigé la compagnie La Llevantina de 1994 à 2013. Elle dirige La Commune, CDN d’Aubervilliers, depuis le 1er janvier 2014.

Le théâtre de Marie-José Malis est un théâtre du texte et de la présence. Les acteurs y développent une vérité d’expression particulière et l’espace aussi y est remarqué pour sa densité poétique et sa dimension de théâtralité assumée. Sa conviction est que le vrai théâtre est aussi rare que la vraie politique. La représentation doit redonner à sentir comment ce soulèvement a lieu, ici et maintenant, comment les conditions de la vraie politique sont rendues aux hommes, dans la chaleur et le travail du théâtre.

Elle a mis en scène Aléthéia, des traces des grandes ombres, sur des textes de J.-L. Godard ; Ouvriers Paysans, de Jean-Marie Straub et Danièle Huillet, d’après le roman d’Elio Vittorini ; Les femmes de Messine créé dans le cadre du festival Oktobre ; Œdipe le tyran, de Hölderlin d’après Sophocle ; Enter The Ghost, d’après Contre la Télévision de Pier Paolo Pasolini ; Un orage serait bien beau ici, d’après La Promenade de Robert Walser ; Le Prince de Hombourg de Kleist, en collaboration avec Alain Badiou ; On ne sait commentLa Volupté de l’Honneur, Les Géants de la Montagne et Vêtir ceux qui sont nus de Luigi Pirandello ; Le Rapport Langhoff, créé à La Comédie de Genève ; Hypérion, de Hölderlin créé pour le festival d’Avignon In 2014 ; La Vraie Vie, avec des jeunes d’Aubervilliers, à partir du texte d’Alain Badiou ; La pièce d’actualité n°8 – Institution, créée à La Commune Aubervilliers ; Dom Juan de Molière, The end of reality de Richard Maxwell en 2019 ; Acteurs ! en 2020 ; Bal Masqué de Mikhaïl Lermontov en 2022 et Güven, Pièce d’actualité n°16, créée à La Commune CDN d’Aubervilliers, en collaboration avec Maxime Kurvers et Marion Siéfert, en 2021.

Le projet

Le théâtre doit aider à donner le goût et la validité des transformations nécessaires. Il ne représente pas, il altère, pour la joie juste, des traversées réelles, que chacun demande dans l’existence

Quel théâtre, quelle manière de le faire, quelle confrérie théâtrale, quelle alliance avec la population permet un lieu ?

Le théâtre en France est souvent fait hors des lieux, ou disons dans un nomadisme ou un éclatement des productions qui a distendu cette question d’un théâtre situé.

Le CDN d’Aubervilliers est pourtant né de cette question, par le mérite de Gabriel Garran, de Jack Ralite et du maire André Karman. Il a été une déclaration magistrale sur le fait qu’une population de banlieue méritait tout autant que les autres un théâtre de création qui travaille à l’émancipation. Ainsi est né le premier CDN de banlieue, s’appuyant sur un grand corps d’amateurs qui cherchaient quel théâtre il fallait faire et qui soit juste et libérateur. Et s’appuyant sur une population contribuant au désir, à l’éclaircie de ces questions.

Nous sommes fidèles à cette idée.

Dans l’histoire du théâtre, ce sont les aventures situées, adressées et adossées qui ont constitué les balises de notre art. Meyerhold en Russie révolutionnaire, Brecht puis Fassbinder puis Peter Stein et Klaus Mikhael Grüber en Allemagne déchirée, Dasté à Saint-Etienne, Jourdheuil/Vincent à Strasbourg, Vitez à Ivry puis de Chaillot et de la Comédie-Française s’adressant à l’Histoire de notre pays, Kantor, Lupa et Warlikowski en Pologne, et plus récemment encore Milo Rau à Gand, par exemple, ont tiré leur nécessité artistique de s’adresser à une situation précise, de leur pays, de leur voisinage aussi comme lieu de la réalité. Et des conditions, dans l’époque, de leur art qu’ils ont voulu modifier, affranchir, rendre plus juste.

Pour nous, il n’y a pas eu de nouveauté en art qui ne soit l’examen sérieux de cette question : à qui je m’adresse ? pourquoi ? comment ?

La Nouvelle Vague cinématographique, mais aussi plus lointainement Racine, Molière, et l’art plastique moderne, sont des arts situés, faits pour des gens et des circonstances historiques précis, dans une situation délimitée pour mieux contribuer à la transformer. Et cela entraîne toujours que les moyens de production eux-mêmes, la manière d’opérer soient fondamentalement transformés.
Quand Gabriel Garran mêlait Claude Dauphin, Nathalie Baye et Philippe Léotard à des amateurs, il contribuait à modifier les conditions de l’œuvre.

Notre intuition dès lors était simple : aller voir ce qu’un lieu nous permettait de réveiller que l’absence de lieu ne permettait pas ?

Notre souci, nous le disons sans fausse honte, n’était pas social. Il était artistique. Comment un lieu contribue à faire un art plus élevé et plus juste ? L’art fait partie des pratiques culturelles des gens, par là il est social si le souci de cette inscription dans la vie de chacun est fermement mené et il n’est politique que par sa justesse formelle en réponse aux questions et nœuds qu’adresse la réalité à une conscience contemporaine.

Nous avons tenu fermement ce programme. En quoi le lieu public de théâtre est-il bon pour l’art ? Et quelles conséquences cela a-t-il pour le lieu s’il s’adosse à un tel destin ?

Je dois dire que nous n’étions pas sûrs que ces questions trouvent des réponses faciles. J’ai toujours dit que je venais faire une enquête, savoir si les CDN étaient encore des lieux justes, et par cette position systématique, rigoureuse, ne se payant pas de mots ou de simulacres, aider à répondre que oui. C’est notre travail, c’est le projet, dont la conclusion est en actes, en devenir, empirique.