À l’occasion des 70 ans de la décentralisation, L'ACDN (qui regroupe les directrices et directeurs des centres dramatiques nationaux), a décidé de publier une série de textes, qui posent les premiers jalons d'une réflexion de fond sur l'existence et les missions de ces maisons de création.
Ces premières contributions au débat seront suivies par d'autres publications. Elles s'inscrivent dans la même logique que les ateliers de la pensée que nous avons organisé à l'occasion du Festival d'Avignon. Elles nourrissent et annoncent la tenue d'un rassemblement collégial qui aura lieu la saison prochaine. En procédant par étapes, nous souhaitons faire émerger les contours d'une nouvelle politique publique pour ces espaces de créativité, porteurs de paroles et de visions singulières.
Certaines de ces tribunes sont collectives, d'autres sont l'expression de points de vue singuliers, mais toutes s’inscrivent dans une même démarche : ouvrir des chantiers de réflexion urgents et nécessaires, pour repenser la décentralisation au regard de l'expertise que nous faisons d'une réalité tant sociale qu'artistique. L’innovation artistique, les missions de service public, l’accessibilité à tous (artistes et publics), l’équité entre les territoires, les modes de gouvernance, l'accompagnement des jeunes artistes, le partage et la transmission des outils et des lieux (...), sont autant de sujets qu'il faut saisir à bras le corps, pour que la décentralisation soit porteuse d'une vision d'aujourd'hui et de demain.
L’art, la jeunesse, les territoires
“Monsieur le Président de la République,
Nous ne dirons pas ici ce que nous faisons, nous, artistes avec nos créations.
Simplement nous dirons que nous tâchons de faire notre part, et qu’elle est de l’art et non de la culture.
Nous ne fabriquons pas des représentations pour être représentatifs ni identitaires, mais pour présenter ce qui du monde est invisible, offensé et pourtant désirable.
Nous ne compensons pas l’absence de places, nous défaisons les places. Parce que nous croyons à l’altérité.
Autre chose est à voir dans ce monde-ci et en nous-mêmes. Si nous aidons à le voir, nous aidons à le désirer. (...)”
Tribune. Juin 2017.
“ L’anniversaire de la décentralisation théâtrale est l’occasion pour nous, artistes, directrices et directeurs de Centres dramatiques nationaux, de célébrer et de partager l’esprit même des pionnier.e.s de la politique culturelle, il y a 70 ans. Un esprit de résistance, de liberté, de partage dans une France d’après guerre qui a fait le pari de reconstruire son pays et de réparer sa population en affirmant avec conviction le rôle de l’art et de la culture dans ce grand chantier. Les CDN sont nés de cet élan de 1947, sous l’impulsion de Jeanne Laurent, et avec eux, l’affirmation d’une culture décentralisée, démocratisée, d’une culture pour toutes et tous. (...)”
Pour en finir avec la décentralisation
Carole Thibaut
“La décentralisation a 70 ans cette année.
En mai 2017, par un dimanche gris et froid qui ne ressemble en rien à un dimanche de printemps, j'écris ton nom, Décentralisation. (...)”
Loin de Paris
Benoît Lambert
“C’est sans doute cela qui a défini, dès l’origine, l’esprit même de la décentralisation théâtrale : l’affirmation d’une présence vivante de l’art à l’échelle de la nation. L’affirmation d’un art situé, qui s’élaborerait dans des temps et des lieux précis, et qui se déploierait dans une série de représentations singulières. Un art qui renoncerait à l’hyper-visibilité pour se donner une chance d’opérer, réellement, à l’endroit où il s’invente. Un art qui ne viserait peut-être pas à « changer le monde », mais qui ambitionnerait de transformer concrètement ses voisinages les plus immédiats. (...)”
Aux bords des territoires, il paraît qu’il ne se passe rien
Cécile Backès
“Je fais partie de celles et ceux qui dirigent un CDN, Centre Dramatique National, dans un territoire péri-urbain. Dans une petite ville des Hauts-de-France (Béthune), à côté d’une autre petite ville (Bruay-la-Buissière), entourées de toutes petites villes et villages, entre 500 et 10 000 habitants. Aux bords du bassin minier. Aux bords du paysage rural qui court à l’ouest vers la mer, Boulogne, Calais, Le Touquet… les villes de la Côte d’Opale. Dans un territoire que personne ne connaît. Quelque part dans le Pas-de-Calais. (...)”